François Fillon, entouré de Valérie Pécresse, ministre du Budget, et de François Baroin, ministre de l’Économie, samedi à l'Elysée. (Bernard Bisson/JDD)
Fini le festival de Cannes. C’est un autre film qui sera montré lundi aux Français. Un film qui ressemble à celui du 24 août. Ce jour-là, François Fillon présentait à la télévision le premier plan de rigueur et ses 11 milliards d’euros d’économies. Lundi, le Premier ministre va récidiver en ajoutant une seconde couche d’austérité, sans doute plus proche de 8 milliards d’euros que de 6. Nicolas Sarkozy, qui redoute de voir la France tomber en récession, s’est fixé pour objectif de ne pas pénaliser la consommation. Pas question, donc, d’augmenter la CSG ou d’une hausse généralisée de la TVA. "Cette fois, on entre dans le dur", concède toutefois un ministre en évoquant les coupes envisagées, notamment dans les dépenses sociales. Le gouvernement est pris dans l’étau: maintenir le filet de croissance (1% en 2012) tout en sauvant "à prix" le précieux tripleA de la France.
Chargé par Nicolas Sarkozy des mauvaises nouvelles, François Fillon s’y plie sans états d’âme. En déplacement samedi dans la station de ski de Morzine (Haute-Savoie), il a donné le tempo devant l’assemblée des maires de Haute-Savoie. Un discours martial assorti d’un décryptage haut de gamme du G20 de Cannes. "Aujourd’hui, le monde n’est pas en train de changer! Il a changé et nous ne l’avons pas vu. Les années 2008-2012 marqueront la fin de la suprématie occidentale et le basculement vers l’Asie de l’économie mondiale", a expliqué François Fillon en présence de Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale et élu du département.
À son aise dès lors qu’il s’agit de parler de rigueur, il a repris son credo. Celui qui lui a permis de marquer son empreinte. "J’ai depuis longtemps attiré l’attention sur notre situation financière. J’ai prononcé le mot de “faillite” pour éveiller nos consciences. Et j’ai écrit que la France pouvait supporter la vérité." Pourtant, en 2007, lorsque, à la faveur d’un déplacement en Corse, il s’était déclaré "à la tête d’un pays en faillite", François Fillon s’était attiré les foudres présidentielles. Le mot n’est plus tabou. Même si Nicolas Sarkozy refuse de parler de rigueur.
"Le seul programme qui vaille pour 2012, c’est le retour à l’équilibre des comptes publics", a prévenu le Premier ministre en déplorant le double record de la France, championne de la dépense publique et des prélèvements obligatoires. "Nous aurons en 2012 l’un des budgets les plus rigoureux depuis 1945."
Dont acte. Il a salué le renforcement du rôle du FMI et les avancées en matière de régulation financière décidés au G20, ainsi que l’efficacité du couple franco-allemand. "Comme d’habitude, les sceptiques diront que tout cela reste insuffisant, les idéalistes regretteront que le monde ne fût pas soudainement réenchanté." À bon entendeur socialiste. Salut.
État et collectivités locales dans le même bateau
Le Premier ministre a réaffirmé qu’il n’y aurait pas de moratoire au regroupement des communes prévu par la loi sur les collectivités locales. Une réponse aux sénateurs socialistes, qui, forts de leur majorité nouvelle, ont adopté vendredi une proposition de loi mettant à bas les dispositions gouvernementales. Les communautés qui n’auront pas réussi à se mettre d’accord d’ici à la fin de l’année (comme le veut la loi) disposeront toutefois d’un délai supplémentaire. Un pôle public bancaire devrait également leur apporter une bouffée d’oxygène financier. Devant les maires, il a rappelé aux élus leurs responsabilités. "Pour moi, il n’y a pas d’un côté l’État et de l’autre, les collectivités locales, qui s’affronteraient dans une sorte de remake de l’époque féodale […]. La dette publique, nous la partageons […]. Les agences de notation ne font pas de distinction entre la dette de l’État et celle des collectivités." La dette de l’État finance les dotations accordées aux collectivités locales! Il y a quelques semaines, le budget a déjà économisé quelque 200 millions… Les élus doivent s’attendre à d’autres sacrifices.
Les élus de ce département, riche et largement à droite, ont écouté sans broncher le discours sur la rigueur du bon docteur Fillon. Pas rancunier. Ils lui ont même offert une belle cloche savoyarde et surtout une paire de skis de compétition, que cet amateur devrait apprécier. Tout schuss. Sur la rigueur.