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L'injustice de la taxe d'habitation

Pourquoi la taxe d'habitation est fondamentalement injuste

http://www.challenges.fr/economie/20121017.CHA2023/pourquoi-la-taxe-d-habitation-est-fondamentalement-injuste.html

DECRYPTAGE L'assiette sur laquelle est calculée cet impôt, qui touche 33 millions de logements, repose sur des estimations datant de plus de 30 ans.

 

 (Sipa)

(Sipa)

Mauvaise nouvelle: la taxe d'habitation tombe en ce moment dans les boîtes aux lettres. La facture est d'autant plus douloureuse qu'elle est pétrie d'injustices. Exemple au service internet de Challenges. La locataire d'un appartement de 32m² dans le 17ème arrondissement de Paris doit sortir un chèque de 750 euros (en comptant la redevance télévisuelle), quand le propriétaire d'un duplex de 55m² avec verrière dans le coin le plus "bobo" du 10ème arrondissement acquitte seulement 493 euros. Pour 32m² en location à Boulogne-Billancourt, un autre journaliste doit payer 300 euros. Enfin, un dernier se voit réclamer 701 euros pour 45m² dans le 9ème arrondissement. Comment expliquer ces différences?

Au-delà des taux d'imposition, qui varient entre les communes, c'est l'assiette sur laquelle ils s'appliquent qui détermine le montant de la taxe d'habitation. Or cette assiette repose sur la "valeur locative cadastrale" (VLC) des logements, établie pour la première fois en… 1970. Autrement dit, les évolutions structurelles du marché immobilier depuis 40 ans n'ont pas modifié le calcul de la taxe, qui concerne tout de même 33 millions de logements – et a rapporté 15 milliards d'euros en 2008.

Ainsi, de ce point de vue, il est beaucoup plus intéressant d'habiter le 10ème arrondissement, naguère délabré et peu coté, que dans le 9ème ou 17ème arrondissement, à l'histoire bourgeoise. Même si, dans certains quartiers du 10ème, sous l'effet de la "gentrification" de Paris, le m² moyen a franchi la barre des 8.000 euros (voir la carte des notaires d'Ile-de-France), pour parvenir tout près des prix pratiqués dans les 9ème et 17ème arrondissements...

"Un système injuste"

Dans un rapport présenté la semaine dernière, les sénateurs François Marc et Pierre Jarlier parlent d'un "système injuste". Surtout que les VLC servent également au calcul de nombreuses taxes locales (taxe foncière, cotisation foncière des entreprises, taxe d'enlèvement des ordures ménagères, taxe sur les friches commerciales…).

En 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires avait déjà relevé que "l'équité entre contribuables n'(était) pas garantie". "La non revalorisation des bases induit des transferts de charges importants entre contribuables, estimait alors l'émanation de la Cour des comptes. Les tarifs de 1970, encore en vigueur, ne reflètent plus la réalité du marché immobilier. En particulier, les biens de faible valeur paraissent largement surestimés par les valeurs locatives cadastrales. Les immeubles de construction récente, notamment ceux abritant des habitations à loyer modéré, présentent de nombreux 'éléments de confort' appréhendés par le dispositif. A l’inverse, la rénovation des logements anciens n’a pas été intégralement prise en compte ni la désaffection pour les zones où l’activité économique, vivace en 1970, a dépéri."

Le code général des impôts prévoit pourtant, dans son article 1516, une "revalorisation" des VLC tous les ans en fonction de l'évolution et leur "actualisation" trois ans. Cette dernière n'a toutefois eu lieu qu'une seule fois, en 1980. Depuis, des coefficients de majoration forfaitaire annuelle ont été mis en place pour tenir compte de l'évolution du marché – 1,85 dans le cas de Paris. Mais l'assiette n'a jamais été remise profondément en question, en dépit des bouleversements urbains et sociologiques qu'ont pu connaître certains quartiers. Qu'a à voir le 10ème arrondissement de Paris d'aujourd'hui avec celui de 1980?

Qui osera toucher à la taxe d'habitation ?

La dernière tentative de révision générale des VLC remonte à 1990, mais elle n'a jamais abouti à cause des "transferts de charges" qu'elle aurait engendrés, selon le rapport sénatorial: 38% des logements soumis à la taxe d'habitation auraient vu son montant progresser d'au moins 5%, et pour 7% d'entre eux, il aurait explosé de plus de 50%! Politiquement difficile à vendre auprès des électeurs, la réforme avait été enterrée.

Pour autant, elle apparaît toujours nécessaire. Sera-t-elle bientôt engagée? Pour François Marc et Pierre Jarlier, une fenêtre de tir existe. La loi de finances rectificative de 2010 a engagé la révision des valeurs locatives pour les locaux professionnels, au nombre de 3,3 millions (dix fois moins que les locaux d'habitation, donc). Elle devrait aboutir en 2015, un an après les élections municipales. Les sénateurs suggèrent de poursuivre dans cette voie en lançant dès 2013 la refonte de l'assiette servant à déterminer le montant de la taxe d'habitation, pour une application au 1er janvier 2016. 

A l'occasion, le législateur pourrait même aller plus loin en suivant la recommandation du Conseil des prélèvements obligatoires. Pour mettre fin à l'injustice caractéristique de la taxe d'habitation, il préconisait en 2010 de "constituer une assiette mixte, intégrant une part de revenu" à côté des VLC renouvelées. Une manière d'indexer en partie la taxe d'habitation aux capacités contributives de chacun. Le gouvernement Ayrault osera-t-il se lancer dans ce vaste chantier fiscal?



23/10/2012
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