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Grèce le nouveau laboratoire économique ?

La misère au temps du “diktat” économique

30 janvier 2012
Libération Paris
http://www.presseurop.eu/fr/content/article/1459261-la-misere-au-temps-du-diktat-economique

 

Repas du Nouvel an pour les sans-abri, organisé par la mairie d’Athènes, le 1er janvier 2012.

Repas du Nouvel an pour les sans-abri, organisé par la mairie d’Athènes, le 1er janvier 2012.

AFP

Pendant que les négociations sur l’effacement de la dette grecque se poursuivent, la mairie d’Athènes fournit deux repas par jour à des salariés licenciés victimes des plans d'austérité et menacés de famine. Une situation que certains Grecs n’hésitent pas à comparer au temps de l'Occupation.

Tous les jours, la même scène : à midi, une foule silencieuse se presse devant les grilles de la mairie d’Athènes, à deux pas de la place Omonia. Combien sont-ils ? Une centaine ? Bien plus encore ?

"Le soir, ils sont deux à trois fois plus nombreux", soupire Xanthi, une jeune femme chargée par la mairie "de gérer la foule". L’ambiance est tendue quand les grilles s’ouvrent enfin, et qu’une longue cohorte se forme jusqu’au stand où l’on distribue un Coca-Cola light et une sorte de purée de patates dans une gamelle en plastique.

Il y a des cris, des disputes, tout doit aller très vite : la distribution ne dure qu’une demi-heure. Au milieu des quelques marginaux et des vieillards aux vêtements usés, on remarque toute de suite cette nouvelle catégorie de citadins jusqu’à présent peu habitués à quémander sa nourriture.

La plupart d’entre eux refusent de parler aux journalistes. "Ils ont honte", confie Sotiris, 55 ans, qui s’est retrouvé au chômage après avoir travaillé vingt ans dans une compagnie de sécurité. "Mais en Grèce, les allocations chômage ne durent qu’un an», rappelle-t-il.

En Grèce, on les appelle les "néopauvres", ou encore les "SDF avec iPhone" : des salariés virés d’une des nombreuses PME qui ont fait faillite, des fonctionnaires licenciés à la suite des mesures d’austérité prises depuis deux ans.

Tous se sont retrouvés au chômage, alors que les crédits à la consommation les avaient poussés à se surendetter pendant les années fastes. Qui ne sont pas si loin : entre 2000 et 2007, la Grèce affichait encore un taux de croissance prometteur de 4,2%.

Des enfants le ventre vide

Puis la crise bancaire de 2008 et l’annonce coup de tonnerre d’un déficit budgétaire record de 12,7% du PIB fin 2009 ont fait s’effondrer, comme un château de cartes, une économie aux bases trop fragiles pour résister au jeu spéculatif des marchés.

Travail au noir, fraude fiscale, administration inefficace : les maux sont connus et une grande partie de la population accepte la nécessité des réformes structurelles exigées par "Merkozy", comme on appelle ici le tandem Angela Merkel-Nicolas Sarkozy, qui domine les négociations à Bruxelles. Mais les plans d’austérité imposés au pays depuis le printemps 2010 passent mal.

Ils frappent en priorité les salariés et les retraités, qui ont vu leurs revenus diminuer, voire disparaître quand ils ont été licenciés, et leurs impôts, prélevés à la source, augmenter de façon exponentielle. Résultat ? En deux ans, le nombre de sans-domicile-fixe a augmenté de 25% et la faim est devenue une préoccupation quotidienne pour certains.

"J’ai commencé à m’inquiéter lorsqu’en consultation j’ai vu un, puis deux, puis dix enfants qui venaient se faire soigner le ventre vide, sans avoir pris aucun repas la veille", raconte Nikita Kanakis, président de la branche grecque de Médecins du monde. Il y a une dizaine d’années, l’ONG française avait ouvert une antenne en Grèce pour répondre à l’afflux aussi soudain que massif d’immigrés clandestins sans ressources.

«Depuis un an, ce sont les Grecs qui viennent nous voir. Des gens de la classe moyenne qui, en perdant leurs droits sociaux, n’ont plus droit à l’hôpital public. Et depuis six mois, nous distribuons aussi de la nourriture comme dans les pays du tiers-monde, constate le docteur Kanakis, qui s’interroge. Le problème de la dette est réel mais jusqu’où peuvent aller les exigences de Bruxelles, quand des enfants qui ne vivent qu’à trois heures d’avion de Paris ou Berlin ne peuvent plus de soigner ou se nourrir ?"

Jeudi, une scène insolite s’est déroulée au cœur d’Athènes, sur la place Syntagma, juste en face du Parlement : des agriculteurs venus de Thèbes, à 83 km de la capitale, distribuent  50 tonnes de patates et d’oignons gratuitement. Annoncée à a télévision, la distribution tourne vite à l’émeute.

"Etrangler encore plus les plus pauvres"

Tout le monde se précipite sur les étals. A nouveau des disputes, des cris. "On n’avait pas vu ça depuis l’Occupation", peste Andreas qui observe le spectacle à distance. L’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale avait provoqué une terrible famine qui reste dans toutes les mémoires.

Mais si le mot revient si souvent pour décrire le retour de la faim qui frappe les classes moyennes, c’est aussi en référence aux diktats de Bruxelles, et plus encore de Berlin. "Tous les trois mois, on nous menace de faillite immédiate et on nous ordonne d’étrangler encore plus les plus pauvres. L’argent qu’on nous promet ? Ce sont des prêts qui ne servent qu’à rembourser nos créanciers !" s’exclame Andreas.

Employé dans une entreprise maritime, il rit en évoquant l’éventualité de supprimer les treizième et quatorzième mois des salariés du privé. Comme beaucoup d’employeurs, le sien ne lui verse aucun salaire depuis des mois. "Les patrons invoquent la crise pour éviter de payer leurs employés», se plaint-il.

Puis, se tournant vers l’ancien Palais royal qui abrite le Parlement, il ajoute : "Ici, il y a 300 crétins qui suivent un gouvernement non élu par le peuple. Est-ce qu’ils ont diminué leur train de vie ? Les fonctionnaires de l’Assemblée touchent toujours seize mois de salaires et personne à Bruxelles ne s’en préoccupe."

Loin d’avoir, comme en Italie, provoqué un sursaut national face à la crise, Loukas Papademos, le Premier ministre «technocrate» nommé en novembre, brille surtout par son silence. Alors que le pays négocie à nouveau sa survie en promettant de nouvelles mesures de rigueur, la seule interview qu’il a accordée était destinée au… New York Times.

Andreas en est persuadé : "Nous vivons sous une dictature économique. Et la Grèce est le laboratoire où l’on teste la résistance des peuples. Après nous, ce sera le tour des autres pays d’Europe. Il n’y aura plus de classe moyenne."

 

 

En complément de cet article un Extrait du discours de Sonia Mitralia, membre du Comité grec contre la dette et du CADTM international, prononcé devant la Commission Sociale de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe qui s’est tenue le 24 janvier 2012 à Strasbourg sur le thème : « Les mesures d’austérité - un danger pour la démocratie et les droits sociaux".

 

Presque deux ans après le début du traitement de choc imposé par la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le Fonds monétaire international à la Grèce, son bilan est catastrophique, révoltant et inhumain.

Tout d’abord, même les inspirateurs de ces politiques admettent maintenant ouvertement non seulement leur échec patent, mais aussi que leurs recettes étaient dès le début totalement erronées, irréalistes, inefficaces et même contre-productives. En voici une illustration qui concerne non pas une question secondaire mais le cœur du problème, la dette publique grecque elle-même. Selon tous les responsables du désastre grec, si leurs politiques (d’austérité plus que draconienne) s’avéraient efficaces à 100%, ce qui est d’ailleurs totalement illusoire, la dette publique grecque serait ramenée en 2020 à 120% de PIB national, c’est-à-dire au taux qui était le sien … en 2009 quand tout ce jeu de massacre a commencé ! En somme, ce qu’ils nous disent maintenant cyniquement, c’est qu’ils ont détruit toute une société européenne… absolument pour rien !

 

http://www.cadtm.org/Crise-humanitaire-sans-precedent

 

 



06/02/2012
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