- Par Pascal Canfin
La commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen a auditionné hier Mario Draghi comme candidat à la présidence de la BCE. Un examen de passage pour le candidat qui n'a pas permis de clarifier le rôle joué par Mario Draghi chez Goldman Sachs de 2002 à 2005.
En effet, Mario Draghi a été entre 2002 et 2005 vice-président de Goldman Sachs International, c'est à dire les filiales européennes de la banque d'affaire, au moment même où Goldman Sachs - moyennant 300 millions d'euros de commission - a aidé la Grèce à maquiller son taux d'endettement effectif.
Je lui ai posé la question de savoir s'il avait pour fonction de vendre les services de Goldman Sachs aux différents Trésors européens pour les aider à maquiller leurs dettes. La réponse de Draghi est qu'il n'était pas en charge des dettes souveraines. Pourtant le communiqué de presse publié par Goldman Sachs au moment de son embauche stipule qu'il «sera en charge de développer les activités de la banque auprès (...) des gouvernements et de leurs agences». En réponse, Mario Draghi précise qu'il a demandé ensuite à sa hiérarchie de ne pas être associé à des produits liés aux dettes souveraines.
Il nous a donc demandé de croire à la fiction suivante: Goldman Sachs recrute Mario Draghi et précise officiellement lors de son embauche qu'il est en charge des dettes souveraines. Puis Mario Draghi se rend compte, par le plus grand des hasards, qu'il a été recruté à tort par Goldman Sachs pour effectuer cette mission et demande à ne pas la mener à bien. Goldman Sachs accepte sans broncher et Draghi devient même managing directeur de la banque, un privilège réservé à son "élite". Cette fable est d'autant plus difficile à croire que des témoignages malheureusement purement oraux de l'intérieur de Goldman Sachs, d'agences du trésor de pays de l'Union européenne et de gestionnaires de hedge funds concordent pour établir que Mario Draghi a bien proposé les services de Goldman Sachs aux Etats pour "alléger" leurs dettes publiques en ayant recours à de la créativité comptable.
Le Parlement européen se prononcera formellement le 23 juin sur la candidature de Mario Draghi à la présidence de la BCE et les Etats seront amenés à officialiser sa nomination le 24 juin lors du sommet européen.
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