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Les politiques font du vent, les banksters des bénéfices.

La collision des dettes américaines et européennes est-elle inevitable?

Nanjing, 15 juillet 2011

L’histoire a une manière surprenante de fixer les rendez-vous les plus inattendus. Depuis des mois, les Etats-Unis et l’Europe tentent de gérer une crise budgétaire et de l’endettement. Ce weekend, les échéances coïncident dans ce qui pourrait être une collision frontale dont les conséquences seraient catastrophiques. Leur ampleur serait d’au moins dix fois la crise de Lehman Brothers en 2008.

 

Jamais dans l’histoire de l’après-guerre économique et financière les risques d’explosion systémique de l’économie mondiale n’ont été aussi élevés. C’est une véritable conflagration que nous risquons, si un sursaut de dernière minute des dirigeants politiques du monde occidental ne permet pas d’éviter une collision frontale entre un risque de défaut des Etats-Unis et un risque de défauts en cascade en Europe.

 

La gestion lamentable des deux cotés de l’Atlantique a une caractéristique commune : nous tentons désespérément de croire que nous allons résoudre des décennies de laxisme budgétaire sans peine. L’enjeu est bien plus grave. Il s’agit d’ajuster notre train de vie à nos moyens. Il suffit de passer une semaine en Chine, comme je viens de le faire, pour se rendre compte de ce qui est devenu un Occident qui a perdu son dynamisme et sa confiance.

 

Aux Etats-Unis, l’attitude irresponsable d’Eric Cantor, représentant les Républicains aux négociations de la Maison Blanche, a amené le Président des Etats Unis à quitter la pièce. L’infantilisme de ce « dirigeant » républicain inexpérimenté et représentant la droite républicaine, est d’autant plus inacceptable que le Président venait à la table avec une proposition de réduction de la dette publique d’un montant de 4.000 milliards de dollars. Il envisageait les réductions les plus draconiennes dans la couverture des soins de sante et l’éducation jamais envisagées par un Président démocrate.

 

Mais il ne peut accepter une telle reculade que si une partie des réductions ne provient pas des «nantis ». Il ne s’agit pas seulement des fortunes colossales amassées par les milliardaires américains. Ce qui est également visée est la fin de subsides colossaux payés par l’Etat américain à l’industrie pétrolière, de la défense et de la finance. C’est aussi la fin des « avantages » tirées sur le compte du contribuable par la Federal Reserve et qui expliquent que JP Morgan Chase ait gagné 5,4 milliards de dollars au second trimestre, alors que l’économie américaine a battu de l’aile. General Electric ne paie pas d’impôts fédéraux. Les entreprises pétrolières nous ont concocté une hausse des prix du carburant qui n’était justifiée par rien...et s’est simplement retrouvée dans leurs bénéfices en hausse massive au second trimestre. Elles utilisent cette manne partiellement financée par le Gouvernement pour racheter leurs actions au grand bénéfice de … leurs actionnaires.

 

Pris entre les avantages défendus par une majorité de représentants (y compris des démocrates) qui visent ces industries qui « achètent » leurs bénéfices a coup de milliards, et leur refus d’augmenter les impôts, les Représentants de la Nation tiennent le pays en otage. Jamais les politiciens de quelque bord que ce soit n’ont été aussi impopulaires. Au Minnesota, l’Etat a fermée ses portes : les Républicains refusaient une proposition du Gouverneur augmentant les impôts au-delà de 1,25 millions de dollars de revenus.

 

L’Europe n’est pas très loin de ce modele: une des causes de la crise grecque est une armée pléthorique et le fait que les entreprises et les citoyens fortunés ne paient pas d’impôts. Un chef d’entreprise grec expliquait avec sérieux que, puisqu’il créait des emplois, son entreprise n’avait pas à payer d’impôts. La Grèce est une gigantesque économie parallèle, et ne mériterait pas d’être soutenue si nous n’avions commis l’erreur de l’introduire dans l’Eurozone sur base de chiffres truqués.

 

En Europe, le débat politique n’est pas entre droite et gauche : il est entre les pays laxistes et ceux qui se gèrent avec la discipline budgétaire prévue par le Traite de Maastricht. Mais derrière le politique, se retrouvent les banques. Nous sommes, a peine trois ans après la crise financière, dans un cas de figure qui va amener le contribuable européen a renflouer des Etats qui ne le méritent pas plutôt que d’imposer au système bancaire une participation aux pertes de valeur sur les obligations grecques. Il y  en a pour moins d’un trimestre de bénéfices.

 

Au lieu de cela, les dirigeants européens envisagent des trompe-l’œil et des fausses mesures. Et ce, depuis un an. Le drame, c’est que les obligations grecques à 3 ans sont passées de 8 à 30% et la prime de risque continue à caracoler depuis des semaines entre 20 et 25%. Le Portugal et l’Irlande viennent de subir une dégradation de leur dette, et c’est maintenant l’Italie et l’Espagne qui sont dans le collimateur : le drame c’est que leur dette combinée est trois fois celle des trois « petits » pays en difficultés.

 

Les stress tests européens vont probablement nous dire que dix banques mineures doivent se remettre en état. Mais ces stress tests ne traiteront pas du seul vrai risque qui importe : l’impact sur le portefeuille obligataire des banques européennes d’un défaut des dettes souveraines européennes. C’est pour cela que les dirigeants européens, qui prennent décidément l’opinion publique pour des imbéciles, espèrent « rassurer » par ces stress tests qui sont condamnés d’avance et ne changeront rien.

 

Qui plus est, l’Allemagne n’a pas réussi à imposer à la Hessische Landesbank (Helaba) l’obligation de communiquer ses informations pour les stress tests. Le Land de Hesse, ou se trouve Francfort, s’est depuis longtemps comportée de manière irresponsable et corrompue vis-à-vis de « sa » banque. On ose espérer que toutes les lignes interbancaires sur Helaba seront coupées des lundi.

 

Nous voilà donc au pied du mur, ou plutôt au bord du gouffre. Ici, en Chine, premier créancier, les autorités rappellent les Etats-Unis à l’ordre en leur demandant de traiter dignement leurs créanciers. La stupéfaction fait souvent place à une sourde colère face a la négligence de l’Occident.

 

Ce qui se passe n’est rien d’autre qu’une menace fondamentale sur la démocratie occidentale : elle est devenue vénale, achetable et irresponsable. Quelle que soit la voix de l’électeur, les gouvernements de gauche ou de droite ne sont plus capables de s’opposer aux intérêts particuliers.

 

Le blog de Georges Ugeux, PDG de Galileo Global Advisors, une mini banque d'affaires internationale a New York. De 1996 a 2003, il a été Executive Vice President International du New York Stock Exchange.

 



16/07/2011
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